Au delà de l’hydrodynamique : le travail et la mort.
5 janvier 2014 • Actualité • Lecture : 5 minutes • par Roland Guinchard
Selon un article de Stéphany Gardier du 22/08/2013 dans le figaro dont je cite le début :
« Un étudiant allemand a été retrouvé mort à son domicile. Stagiaire dans une des grandes banques de la City, il aurait enchaîné des journées de travail de plus de 16 heures les trois jours avant son décès. Sans attendre les résultats de l’autopsie, certains ont d’ores et déjà pointé l’épuisement comme cause possible de la mort.
Moritz Erhardt avait 21 ans. Cet étudiant stagiaire à la Bank of America Merrill Lynch de Londres a été retrouvé mort dans sa douche par un de ses colocataires, a-t-on appris par les médias britanniques. Une mort, pour certains, due au surmenage. Selon des témoignages, Moritz, qui devait terminer son stage dans une semaine, aurait en effet travaillé jusqu’à 6 heures du matin les trois jours précédant son décès.
Karoshi. C’est le terme qui désigne au Japon la mort par épuisement au travail. Il est apparu dans les années 1970 au pays du Soleil-Levant alors que de plus en plus de morts subites étaient observées chez des travailleurs surmenés. Le premier cas concernait un jeune homme de 29 ans travaillant pour un grand groupe de presse japonais. Depuis, de erre études ont montré comment la surcharge de travail et surtout la privation de sommeil qui en découle peuvent être délétères. »
Le travail et la mort
Évidemment on peut lire cet horrible fait divers comme simple conséquence de la pression et de la contrainte qui s’exerce par l’entreprise sur une personne. On ignore si dans ce cas l’ambition a été facteur aggravant de cette pression, mais dans l’ensemble, c’est bien là, une dimension strictement « réelle » de cet accident particulier.
Cependant une telle lecture n’est que partielle. Ne percevoir que cet aspect relève de la psychologie du lavabo : quand c’est trop, ça déborde, le corps a des limites…
Alors je reprends l’antienne de ce blog : le travail c’est aussi du désir, qui implique une dynamique pulsionnelle assez différente de l’hydrodynamique ordinaire de la salle de bain. En effet, selon notre vision le désir prend les voies obligées de la pulsion, orientée par les signifiants primordiaux, portant la marque et les cicatrices d’une histoire, s’inscrivant dans les circonstances du social économique.
Le diable est dans les détails.
Pour la compréhension de toute situation psycho sociale de ce type il convient donc de se consacrer à l’analyse des détails autour des trois chapitres qui organisent la dimension du désir de travail :
– La relation inconsciente au travail,
– La nature des relations de travail,
– La relation avec l’organisation de l’entreprise.
Le résultat en est l’état particulier de l’identité professionnelle de Moritz Erhardt au moment où il prend sa douche.
Alors, malgré l’autopsie, sans jamais chercher à qui la faute, il faudrait savoir de Moritz comment sa famille considérait le travail, puis ses idéaux et la part de masochisme mise dans ses études, et les circonstances de l’histoire de son stage, de son travail et des nuits blanches, et toutes les dimensions utiles à saisir comment cela à pu arriver. Ce genre d’enquête en apprendrait beaucoup sur la vraie nature du lien entre un homme et son travail. Et la mort de Moritz serait moins inutile.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus je joins à la fin de cet article une nouvelle policière « Magret et l’ergomane » que j’avais écrite pour compléter le livre « psychanalyse du lien au travail« .
Peut être cette nouvelle, assez ironique, donnera t’elle envie d’en connaître plus sur ce qui peut mener à l’extrême un homme qui travaille.
Magret et l’ergomane (cliquer pour consulter)
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