Engagement & implication. Pourra-t-on encore man(a)ger des œufs au bacon ?
25 janvier 2019 • Lien au travail • Lecture : 9 minutes • par Roland Guinchard
Pour illustrer la distinction entre l’engagement et l’implication, quoi de mieux que la célèbre métaphore d’Hervé Sérieyx concernant le petit-déjeuner aux œufs et au bacon :
“Dans un petit-déjeuner œufs-bacon, la poule est impliquée, mais le cochon lui, est engagé ! L’engagement ne permet pas le retour en arrière. »
On pourrait s’arrêter là.
Mais on peut poursuivre la réflexion avec l’illustration de différentes notions qui encadrent de façon floues (ou indifférenciées dans l’usage) l’intensité ou la qualité du lien au travail.
Il y en a quatre qui reviennent régulièrement de façon spontanée :
- La motivation, qui signifie aussi justification (une décision motivée par des raisons diverses).
- L’implication, qui signifie aussi conséquence (tel fait implique en parallèle l’existence de tel autre)
- L’engagement, mais l’engagement désigne aussi le poids des clauses d’un contrat (un crédit engage et doit être remboursé).
- L’investissement. L’Investissement « opération financière » désigne aussi l’importance accordée à une relation ou une représentation.
La motivation ou la cape du toréro.
La Motivation au travail c’est le Désir de travail même. Le désir est là est là ou pas, mais s’il est là il crée le mouvement.
Seulement voilà, ce qu’on appelle motivation c’est souvent une tentative de manipulation. On détourne souvent le désir de travail pour l’orienter vers une motivation par l’objet (argent ou autre) sur le mode de la récompense
C’est, en quelque sorte, comme agiter la cape de l’objet sous le nez du Désir, pour le capter.
L’implication ou le mouton qui conteste le berger.
L’implication au travail c’est le fait de prendre ce dernier au sérieux.
Être impliqué c’est en faire un peu plus autour de son métier à cause de l’opinion positive qu’on en a et que l’on souhaite faire partager. (Défense, promotion, syndicat, formation, association professionnelle, groupe de recherche, recrutement…)
Seulement voilà, l’implication « implique » aussi souvent que l’on quitte le terrain pour défendre le travail. Et que la tentation politique prenne le pas sur l’action. Le mouton donne son avis sur la direction à prendre pour un meilleur pâturage.
L’engagement ou l’exigeante déclaration d’amour.
L’engagement au travail c’est prendre des responsabilités morales vis-à-vis de l’entreprise, au-delà de la subordination impliquée par le contrat de travail. « J’aime ma boîte » et je m’engage pour elle. A la protéger et la chérir dans la joie et dans la peine … » fidélité, loyauté, service, disponibilité…
Seulement voilà, l’engagement, qui fait de vraies merveilles quand il est présent, nécessite un entretien extrêmement intense et sans aucune espèce de médiocrité de la relation. Le bonheur conjugal demande des attentions, des mises au point régulières et exigeantes ou des preuves …et gare à la déception.
L’investissement ou la tempête de sable.
L’investissement au travail, c’est le fait de faire ce qu’on me demande de faire en sachant que je vais en obtenir des avantages. Une façon de croire en un échange honnête : l’énergie mise en œuvre va forcément donner des retours (sur investissement).
C’est une manière de réduire, simplifier, alléger la relation. On se repose alors sur la logique mathématique : énergie au travail = richesse. C’est pourtant simple non ?
Seulement voilà, les mécaniques s’enrayent très souvent et l’environnement apporte son lot de grain de sable qui vont bien vite transformer la mécanique de l’investissement en désinvestissement, les belles promesses en déception et le joli mouvement en blocages.
Le changement d’époque : poudre de protéine et végan.
Ces définitions nous permettent de penser le changement dans la relation au travail. Motivation et implication sont les mots qui désignent une époque révolue.
Désormais les temps sont ceux d’une tension constante et étrange entre l’engagement et l’investissement. La poule s’est investie dans la poudre d’œuf, le cochon s’est engagé à ce qu’on cesse de manger de la viande.
Le management change de goût. Il va falloir cuisiner autrement.
Une autre métaphore Culinaire / Travail? > Le manager : jambon du sandwich ?