Non, le rôle de l’entreprise n’est pas d’apporter le sens du travail.
21 janvier 2019 • Ressources Humaines • Lecture : 6 minutes • par Roland Guinchard
En effet, le rôle de l’entreprise n’est pas de fournir le sens du travail mais de créer de la richesse, des emplois et du développement. Le sens du travail, quant à lui, est fourni et régulé par les institutions sociales que sont famille, école, « grands corps », éducation, religions, idéologies, croyances, culture, progrès technologiques.
Mais la société se modifie. Cette mutation sociale, souvent liée aux modifications technologiques, fait perdre momentanément à la société et aux institutions désignées leur capacité à fournir ou réguler chez les personnes, le maintien du « sens du travail ».
Avec cette carence sociale générale à fournir le « sens » il est plus difficile à l’entreprise de continuer à jouer son rôle de création de richesse, d’emplois, de développement du « métier ». Elle accueille au travail des gens qui ne savent plus percevoir les références concernant ce qu’est pour eux, le travail.
Devant cette situation de faillite sociétale, l’entreprise doit considérer de façon intensive la nécessité de créer elle même une fonction «sens du travail». A ne pas le faire, elle s’expose à voir apparaître davantage de phénomènes de type psychosociaux. La « dépression » et le « burn-out » sont de ceux là.
Passer de la culture de la discrétion à la culture de la vigilance est inéluctable.
Pour faire face à ces phénomènes, les organisations de production, pour maintenir leur capacité à faire ce que la société attend d’elles, se trouvent donc dans l’obligation de passer d’une culture « traditionnelle » de discrétion sur cet aspect à une culture de vigilance, délibérée et organisée, basée sur une évaluation préalable de la qualité du lien au travail, de ses appuis et de ses atteintes.
Dernièrement, la loi a renforcé en France cette nécessité de vigilance, en imposant de mettre en œuvre des moyens de préservation de la santé psychique des salariés, « avec une obligation de résultats, quelle que soit la taille de l’entreprise ».
Ainsi dépression et burn-out entrent ils dans le champ managérial, non pas pour les soins de à ces phénomènes mais pour leur prévention. Inutile d s’effrayer pour autant, les managers ne deviennent pas « psy ou doc ». Ils doivent seulement veiller à la présence de repères symboliques adéquats pour régler cette obligation. Ce qui signifie être un manager plus professionnel dans son discours, son autorité, la conduite de projets et le contact au quotidien.
Cette évolution discrète mais majeure de la culture professionnelle se fait pour pour trois raisons :
Demande d’asile « dépressif »
D’abord parce que la dépression (symptôme individuel), souvent liée à des circonstances extérieures douloureuses personnelles, affectives, conjugales, ne trouve plus que dans l’entreprise des structures d’expression sociale ou de soutien collectif à cette difficulté. Autant que l’entreprise soit prévenue qu’elle apparaîtra davantage dans les années à venir comme le recours socio-collectif pour toutes ces difficultés individuelles. Médecine, justice et syndicat, de ce point de vue, n’apportent paradoxalement que des recours individuels.
Demande de régulation de la pression
Ensuite parce que la pression économico-politique du monde augmente la pression morale générale, et augmente aussi les exigences de productivité, la culture de la performance sans limites que les atténuations physio mentales (« amélioration des conditions de travail ») ne suffisent pas à régler. Le stress augmenté, augmente de fait les dépressions d’épuisement, d’autant que le sens du travail n’étant plus aussi évident, la tâche, « insensée », devient source de désespoir.
Tendance à l’intoxication
Enfin parce que les attentes vis à vis du travail peuvent plus facilement devenir intenses. Beaucoup d’éléments extérieurs au travail ne sont plus réellement sources de satisfaction, le travail peut devenir le lieu d’aboutissement de toutes les attentes existentielles. Ainsi est-il possible de s’intoxiquer au travail. L’homme a besoin d’ivresse, religieuse, amoureuse, alcoolique, et aujourd’hui d’ivresse laborieuse.