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Métaphore Montgolfière Roland Guinchard Workcare

La métaphore de la Montgolfière

Parmi les éléments fondateurs de l’approche de Workcare, Au même titre que la maison ou que nos valeurs, nous retrouvons l’idée de l’identité professionnelle. Une bonne manière de comprendre ce concept est d’utiliser une métaphore chère à Roland Guinchard, celle de la Montgolfière.

L’identité professionnelle, une notion essentielle et ignorée

L’identité professionnelle, une notion essentielle et ignorée. De cette puissante énergie surgit une image intérieure de soi-au-travail : l’identité professionnelle. Elle se construit très tôt pour chacun, par son histoire personnelle.

Pour comprendre le concept d’identité professionnelle, prenons comme métaphore celle la montgolfière. Elle se poserait ainsi : Nous vivons avec le travail une relation identique à celle d’un aérostier avec sa montgolfière.

« Il y a la même relation entre moi et mon travail, que celle qui existe entre un aérostier et son aérostat. »

Voilà, la métaphore est énoncée, il n’y a rien à comprendre à cet instant, il s’agit seulement d’en poser les termes, puis de commencer à la « filer ».

Le travail n’est-il qu’un véhicule de survie ?

Première remarque métaphorique : il n’y a évidemment pas de lien organique entre l’aérostat et l’aérostier. Pour lui, il ne s’agit que d’un véhicule.

De la même façon, nous pouvons dire au sujet du personnel et du professionnel

« Il y a une vie après le travail »

« Ce n’est que du professionnel »,

« Je ne viens ici que pour le salaire ».

Le travail ne semble pas avoir une importance telle que je doive en permanence m’y identifier. Nous rejoignons ici l’idée que le travail est simplement un outil servant à satisfaire les besoins fondamentaux de tout individu inséré dans un système social.

Travail, élévation

Pourtant, de ce travail, je peux dire que j’en attends beaucoup, finalement. De la même façon que le véhicule de l’aérostier est remarquablement investi par lui, car il en attend beaucoup également : il veut que cela l’élève.

C’est la fonction même de la montgolfière. Il est important qu’elle monte, qu’elle dépasse en permanence son altitude ou son état momentané. Le travail doit me faire progresser. Une montgolfière qui monte, même lentement, est une montgolfière qui fonctionne. Si le Désir de travail joue son rôle, il est clair que la progression doit être assez constante, dans le savoir professionnel, comme dans le statut.

Système à cliquets

Sauf à le décider, s’il s’avère que la Montgolfière descend, il y a un problème. Le travail, dans cette image est un système « à cliquets », il est envisageable de monter, de progresser, il est plus difficilement supportable de descendre ou de régresser.

La descente pourrait même être assimilable à l’existence de phénomènes dits « psycho-sociaux». Une montgolfière est plutôt faite pour monter ou se stabiliser, mais en aucun cas descendre sans qu’on le lui ait demandé.

Les liens du « lien au travail ».

D’ailleurs si on coupait brutalement les liens entre « l’aérostier travailleur », et son « aérostat travail », s’en suivraient des effets qui auraient beaucoup à voir avec la gravitation universelle, dits de « chute libre » tout à fait négatifs au vu des résultats de l’arrivée, probablement pas beaux à voir.

Ce que confirme la réalité vécue. Pour avoir accompagné des personnes dans une démarche dite d’out-placement, j’ai perçu des atteintes psychiques systématiquement plus importantes que prévu, alors même qu’elles se trouvent souvent sous estimées par le sujet.

Le cocktail « perte de revenus, perte des repères temporels, perte des repères sociaux » conduisent très rapidement à développer de l’anxiété, puis la dépression. Alors on se rend compte à quel point le travail (satisfaisant ou pas), a une fonction centrale de boussole personnelle et sociale. Le perdre c’est comme pour un chat de perdre ses moustaches : cela ne lui est pas mortel, mais il n’a plus de repères, il est donc en risque de perte d’équilibre.

Contre ce risque, le traitement spontané est celui du déni des conséquences : « cela ne m’affectera pas ». Le plus connu de ces dénis étant le mythe du « rebond ». « Si le lien au travail est rompu, il n’y a pas d’inquiétude à avoir, car je vais pouvoir REBONDIR ».

Or, si la métaphore est vraie, et que l’on coupe effectivement les liens entre l’aérostat entre l’aérostier, ce dernier, lâché de la hauteur à laquelle il se trouve, aura soudain beaucoup moins envie de croire réellement au mythe, et il aurait raison.

Psychologiquement suspendus à notre travail nous découvrons alors les liens importants établis avec lui depuis très longtemps et leur fonction porteuse essentielle. 

Le « rebond » n’existe pas vraiment. Il faut chaque fois remettre en route un processus de regonflage et remise en route de l’identité professionnelle, à partir de ce qui reste, mais avec toutes les modifications subséquentes, qui prennent du temps, créent du doute, affectent profondément l’image de soi, même si ce n’est pas perçu.

« Je vais rebondir » (Témoignage)

Quand une entreprise locale de filtres industriels est rachetée par un groupe américain, je dois recevoir un des cadres de l’entreprise rachetée, qui s’est retrouvé quelques mois après le rachat, dit-il « viré comme un malpropre » (sic). Il a bénéficié d’une action d’out placement, qui lui est fournie dans le pack de départ. Mais elle a échoué après 18 mois, et il vient tenter une démarche auprès du cabinet pour le compte duquel je travaille à l‘époque.

Je le savais, je l’attendais, je m’étais préparé, me dit cet homme, cependant, quand je suis arrivé ce matin-là, que j’ai trouvé mes petites affaires dans un gros carton, et une petite enveloppe sur le dessus. Avec un gros chèque, … ça m’a fait drôle. Le montant du chèque, de plus, allait bien au-delà des espérances que j’aurais pu formuler, ou les plus extravagantes exigences dont j’aurais pu rêver en intentant une action auprès des prud’hommes.

Il y avait là l’équivalent de trois années et demie de salaires et je suis allé voir le DRH, qui m’a demandé, simplement, « si cela me convenait ». Dès lors tout s’est fait en une demi-journée, je me suis retrouvé à Midi sur le parking, avec mon gros chèque et mon petit carton, ne sachant pas si je devais me réjouir ou non de ce qui arrivait. Pas de lutte à mener pour obtenir les indemnités que je voulais mais pas de pot de départ non plus…

Je me suis dit que j’allais rebondir, avec mes compétences et mon réseau c’était fait dans le trimestre. Mais depuis deux ans je n’y parviens pas. Je suis souvent dans la « shortlist », mais au final, je ne suis jamais choisi. Je commence à douter, il faut que j’y arrive, je trouve encore des annonces, mais de plus en plus loin de chez moi et de mes compétences.

Je lui demande de parler de lui, et de ses réactions. Il refuse de le faire. Arguant qu’il avait beaucoup pratiqué l’exercice depuis deux ans, et que la remise en cause ne le faisait pas avancer pratiquement, qu’il lui fallait seulement trouver un emploi à occuper dans sa branche. En insistant, il a fini par accepter cependant de parler « encore ».

Tout de suite, même après deux ans, l’émotion revient, au point qu’il veut arrêter de parler. J’insiste pour qu’il continue. Alors survient la colère contre le groupe qui avait acheté son départ, puis contre l’entreprise qui avait été rachetée. Deux heures et demie après le début de l’entretien, sa « potion amère » de rancœur, de révolte, de honte et, parfois de haine, n’était toujours pas vidée.

Je lui signale alors que s’il portait encore tout cela en allant aux entretiens d’embauche, il était fatal que cela soit perçu et sa candidature délaissée au profit d’un profil moins « haineux ». Un mois plus tard il avait décidé de ne pas reprendre dans sa branche, et lancé avec ses deux frères une affaire de camping, aujourd’hui florissante.

Le lien au travail est fait ainsi de très nombreuses micro-suspentes personnelles. Elles sont très sensibles, et dès qu’elles sont sollicitées, peuvent être rapidement vécues comme menacées.  Ainsi, chaque fois que quelque chose est touché dans l’emploi ou dans la fonction, un mouvement inquiétant pour le sujet se produit « dans les suspentes ». Même si cette inquiétude est injustifiée, elle apparaît. Cette configuration forme en effet un ensemble de fils très fortement « connectés », mettant en lien de nombreuses représentations. Cela donne au passage une explication à ces réactions stupéfiantes face à des changements professionnels simples, dépourvus d’enjeux majeurs, comme des modifications légères de configuration, d’organisation, de fonctionnement.

Parfois les mouvements sont plus importants. A l’évidence, des mouvements météorologiques, beaucoup plus importants vont exercer une influence directe et importante. En cas de vent fort, voire de tempête du type « crise économique », toutes les montgolfières sont affectées, beaucoup d’entre elles se retrouvent par terre avec des dégâts variés mais toujours très impactant pour chacun des aérostiers, étourdis, blessés, dans la catastrophe.

Image professionnelle

Continuons à filer la métaphore de la montgolfière. 

Comme du travail, nous attendons qu’elle nous élève, disions nous. Nous espérons aussi grâce à la Montgolfière – Identité professionnelle, voir des choses différentes, variées, à « voir du pays » en quelque sorte. Cela se nomme la carrière, horizontale ou verticale. La variété du parcours effectué est aussi importante que l’altitude atteinte. Les opportunités et les possibilités qui s’offrent, les espoirs et les déceptions, les courants ascendants et les vents contraires. Les différences individuelles sont nombreuses de ce point de vue. Certains n’attendent que la stabilité, la constance dans l’altitude, la position statique, tranquille et rassurante, d’autres visent les modifications constantes des paysages, et chacun s’angoisse ou s’enthousiasme.

L’enveloppe de la montgolfière peut retenir notre attention. Elle est constituée de nombreux panneaux, de formes et parfois de couleurs différentes, qui lui donneront son aspect sphérique classique, ou modifié grâce à la différence de traçage des panneaux. Chacun de ces panneaux est une des représentations issues de notre histoire personnelle avec le travail, parmi celles qu’on évoquait précédemment. : « Ce qu’on disait du travail dans la famille, les traditions, les oppositions, mais aussi toutes les circonstances particulières, inscrites, transformées, modifiées par le psychisme ».

D’une façon générale : la configuration de l’enveloppe crée un mouvement d’« appropriation narcissique » :  l’allure que prend sa montgolfière au final, son impact visuel a de l’importance  pour que l’on puisse la trouver attirante, « belle » en quelque sorte, suscitant un mouvement dans le regard des autres, envie ou admiration.

Métaphoriquement parlant, pour le travail de chacun, les éléments comme la notoriété du métier, du poste ou de l’entreprise, la valorisation sociale de la fonction, du domaine, du produit, la taille de l’entreprise ou sa réussite, sa place dans le paysage économique, entraînent un jeu d’échange d’images. Les belles images rejaillissent sur l’identité professionnelle de chacun. Les grandes entreprises le savent bien, qui mettent en avant ces qualités pour recruter les meilleurs et augmenter l’attractivité. Chaque auteur de CV le sait aussi qui tente de mettre en adéquation son image professionnelle avec l’image de l’entreprise qui recrute.

Loïc, sympathique employé qui passe devant chez moi depuis des années pour ramasser les poubelles, m’indiquait ainsi, lors d’un échange fortuit, que, s’il avait été éboueur jusque-là, à partir de maintenant, il faisait partie des sauveurs de la planète… et de m’indiquer, hilare, la marque d’une célèbre entreprise de revalorisation des déchets qui barrait sa nouvelle salopette. Certes tout cela était aussi plaisanterie amère dans sa bouche, car il ajouta qu’il n’était pas mieux payé pour autant, mais j’avais bien vu qu’il était cependant sensible à ce gain d’image positive.

Fragilité

Parmi les caractéristiques de l’identité professionnelle, il en est une sur laquelle on doit s’appesantir. C’est sa relative fragilité. Le ballon c’est de la toile gonflée, ce n’est pas d’une tangibilité à toute épreuve, ce peut même être considéré parfois comme pure évanescence, à la fois apparente et dissimulée, une structure « pleine d’air ».

La fragilité de cette enveloppe est certaine. Pour tous les aérostiers du monde la réparation ou le remplacement de panneaux, cordes, cordelettes, velcros, suspentes, est permanente et nécessaire. Des accrocs malencontreux, les trous liés à des flammèches, remettent facilement en question une sécurité de l’enveloppe qui doit être maintenue (et semble très surveillée dans le domaine).

Pour l’identité professionnelle cela est un peu pareil, à ceci près que les trous y peuvent apparaître plus nombreux, plus facilement, et que les modalités de la sécurité psychologique sont encore peu envisagées.

N’oublions pas les conséquences du fameux « Ah, tu fais encore comme ça ? » entraînant un trouble indéfinissable jusqu’à sa résolution en plainte, parole, exposé auprès de l’oreille attentive de l’épouse. Il ne s’agit certes pas là de « risques psycho sociaux ». Tout cela fait partie en quelque sorte de la vie de travail ordinaire, ce sont les « petit trous » créés dans l’identité professionnelle, tous les jours. Rien de grave.

Cependant, des petits trous sans cesse ajoutés finissent pas créer des fuites qui équivalent à de plus grands trous. L’appareil psychique face à ces atteintes au travail a mis en place une sorte de système de protection narcissique spontané. En quelque sorte, il ne s’agit que de mettre en place des « rustines » destinées à boucher les trous occasionnés par les atteintes de l’identité professionnelle.

Rustines

Ces rustines spécifiques sont faites de dénégation, de mauvaise foi (ou de protestations de bonne foi), de paroles, de plaintes, de prise à témoin, de recherche de consolation. La mise en place de ces rustines est un exercice constant, et apparemment nécessaire, qui occupe un temps professionnel et extra professionnel étonnant, que l’apparition en France des 35 heures a sans doute gravement entamé.

Je n’ai pu trouver aucune étude permettant de connaître le temps consacré, sur le lieu de travail et hors lieu de travail, à réguler par rustines ces atteintes de l’identité professionnelle. Mais il est important, sûrement. La vie de travail est parcourue de moments de plaintes et de protestations à mi-voix, de médisances sur le chef, de justifications à postériori, de conversations à mots couverts. Les terrasses de café, après la sortie du travail, sont pleines de ces moments entre collègues au cours desquels on peut refaire la journée de travail à son avantage.

D’autres façons de poser des rustines sont possibles, la « double dose de scotch » en rentrant du travail, l’achat compulsif de nouveaux objets en sortant du travail, ou le soliloque dans la voiture pendant les embouteillages pour « refaire la réunion » à son avantage, le détour par toutes sortes de possibilités de « se vider la tête », le rituel du sport, la fuite dans les écrans.

Après une carrière de 40 ans et quelques années, il est certain que l’allure globale de la Montgolfière, à cause de toutes ces rustines posées, pourrait faire penser à une éruption de varicelle… mais voilà ce ne sont là que les traces inéluctables de l’expérience professionnelle.

Atteintes de l’identité professionnelle occasionnées par l’environnement immédiat

Les atteintes peuvent être de diverses origines. Le sujet peut les avoir créées lui-même à la suite de ce qu’on appelle des nœuds névrotiques dans son histoire.

« Je n’arrive à rien, je le sais, et je n’arriverai jamais à rien. Mon père me l’avait prédit et j’ai peur qu’il n’ait eu raison »

Elles peuvent être créées également par des rencontres ou le frottement malencontreux avec d’autres montgolfières.

« Depuis que je travaille avec lui j’ai l’impression que je ne sais plus rien faire ».

Elles peuvent enfin être produites par des conditions de vol défavorables.

« Avant les objectifs était clairs, mais aujourd’hui je suis perdu, on ne sait pas où on va, »

Attaques des montgolfières par les dragons.

Mais les traces laissées par ces attaques ne sont rien en regard des atteintes occasionnées par les 4 dragons sur l’identité professionnelle. Il y a des attaques directes : les chauffeurs de taxi ont été au premier rang pour le savoir, comme les employés auxquels on a proposé un reclassement en Inde, ou tous les chômeurs de l’informatisation.

Pourtant, qu’elles me pardonnent, le pire des conséquences n’est pas constitué des victimes de ces attaques directes.

Le risque le plus grave est bien plutôt constitué par l’écho permanent des tremblements occasionnés par Mondialisation, la chaleur des souffles brûlants de Numérisation, les exemples des coups de dent appuyés d’Uberisation, et les rumeurs sur les inquiétantes inventions de Robotisation, qui font régner sur l’atmosphère du travail en général un éprouvant climat d’angoisse.

L’angoisse est celle qui se révèle devant l’annonce d’un monde trop grand, trop rapide, trop barbare, trop technologique, dans lequel le « manque vivant » serait menacé d’être définitivement comblé. Chacun craint de n’avoir plus à sa disposition que des créneaux vides à combler pour gagner sa vie au lieu d’espaces disponibles pour l’inventer.

Rien n’a autant d’effet néfaste sur l’identité professionnelle de chacun, que cet excès d’angoisse flottante, apparue ces dernières années comme un nuage toxique sur l’univers du travail dans le monde.

Pour en savoir + : Le livre de Roland Guinchard : Psychanalyse du lien au travail

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Illustration de l’article de Marine Flohic


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