A qui profite le code du travail ?
5 octobre 2023 • Actualité • • par Donatienne Vandeuren
Nul n’est censé ignorer la loi… Mais la loi ne devrait pas ignorer les nuls. Au-delà de cette formule un peu provocante se pose une vraie question : à qui profite le code du travail ?
À quoi sert le droit ?
C’est une question qui mériterait d’être posée plus souvent et il faudrait même peut-être un jour poser la question : à quoi sert cette loi / décret pour chacun des textes législatifs.
D’après l’article 6 de la Déclaration de 1789, la loi est l’expression de la volonté générale.
Les lois servent à définir les droits et devoirs de chacun et permettent d’organiser et d’encadrer la vie en société.
On pourrait se dire que vivre en société est une question de bon sens et des tas de philosophes plaideraient pour un équilibre qui se mettrait naturellement en place. Certes l’idée est plaisante mais relève de l’utopie : tout le monde sait que l’équilibre devient vite la loi du plus fort ou du plus riche.
Le droit a synthétiquement trois utilités :
- Sanctionner les comportements qui sont des atteintes à la vie en société
- Protéger le faible
- Prévoir des règles quand les personnes n’ont pas pensé à certains problèmes. C’est le cas notamment en droit des contrats.
Idéalement le droit devrait donc permettre une prévisibilité
La spécificité du code du travail
Le droit du travail s’est construit au travers des luttes et vise majoritairement à protéger le travailleur de l’employeur bien souvent vu comme un exploiteur potentiel.
C’est et cela reste indispensable mais comme tout mouvement de balancier, à force de tout vouloir réglementer et de ne pas faire confiance, le législateur n’a-t-il pas créé les effets qu’on voulait éviter ?
À l’heure actuelle, non seulement le salarié n’a plus la capacité de connaître ses droits mais un employeur même le plus soucieux du bien-être de ses salariés vit en permanence avec le risque de se voir mis en cause parce qu’incapable de connaître et d’actualiser les règles.
Je ne peux pas m’empêcher de penser qu’un droit qui nécessite de faire appel en permanence à des cabinets de conseils et d’avocats pour être compris et tenté d’être respecté (sans même être certain d’y parvenir) n’est plus vraiment un bon droit.
Le constat est là : oui, le droit du travail fait peur mais ce n’est ni une bonne nouvelle, ni une fatalité.
L’exemple du licenciement
En France, beaucoup d’employeurs ont développé une phobie du licenciement qui de manière incompréhensible se double d’une méfiance par rapport aux ruptures conventionnelles considérées comme coûteuses alors même qu’une de leur peur se focalise sur les indemnités susceptibles d’être octroyées par les prud’hommes.
Le plus paradoxal c’est que cette phobie entraîne bien souvent des effets pervers : on veut « monter un dossier » contre une personne, on se dit que la seule solution est de « pousser » à la faute, à la démission… Un vrai terreau au harcèlement et à la discrimination, aux arrêts maladies de longues durées et autant de stratégies qui mène plus directement aux prudhommes qu’un licenciement.
Résultat : des dégâts humains énormes au sein des équipes, pour la personne et même pour des managers, une difficulté à tourner la page, à recruter…
Je me suis toujours dit que lorsque la confiance s’érodait, quand les crispations deviennent quotidiennes, quand toute initiative suscite de la défiance ou du soupçon, il était peut-être juste temps de se quitter.
Les personnes changent, leur vie, leur aspiration évoluent, les entreprises aussi et parfois pas dans la même direction, c’est un fait qui, s’il est nié, ne peut que mener à des conflits.
Alors bien évidemment les conséquences pour un salarié sont importantes mais, sauf si on interdit tous les licenciements pour quelque cause que ce soit, ce sera toujours le cas. Cependant, un départ apaisé, négocié, sans être vécu comme une injustice mais plutôt comme une rencontre manquée ou la fin d’un cycle permettra de rebondir plus vite et évitera des dégâts parfois irréparables.
Par ailleurs quand on voit les difficultés de recrutement, le coût du turn-over et des problèmes d’organisation, le coût pour les entreprises n’est pas anodin. Eviter la confrontation et chercher des solutions est sans doute la meilleure gestion, indépendamment des règles légales applicables.
Remettre le droit à sa juste place
Plutôt qu’avoir peur du droit du travail, un employeur devrait se rappeler que bien souvent on s’intéresse au droit que s’il y a un problème et que la meilleure manière d’éviter d’y être confronté est de veiller au bien-être de ses salariés, à un dialogue constant et à une bonne ambiance de travail.
Évidemment, il s’agit de respecter le droit mais je pense que dans l’immense majorité des cas un employeur bien attentionné le respectera et que l’immense majorité des employés préférera pouvoir influencer leurs conditions de travail, en discuter, trouver leurs solutions que de plonger dans des textes rébarbatifs pour voir ce qu’on leur impose.
C’est peut-être ça la première finalité d’une démarche QVCT : échapper à l’oppression du droit normatif, le remettre à sa juste place et privilégier la création d’un système meilleure car au plus près des préoccupations des salariés.