Dimanche & Désir de travail
8 octobre 2013 • Lien au travail • Lecture : 8 minutes • par Roland Guinchard
Introduction :
Normalement, le fait de proposer un loi autorisant ceux qui sont d’accord, à travailler « le jour du seigneur », ne devrait pas poser de problème. Mais on constate qu’une bonne demi douzaine de politiques s’y sont cassés les dents et le dernier en date ne devrait pas échapper à la règle. Quelque chose cloche, le débat continue, dans un bricolage permanent, c’est le cas de le dire.
Les arguments des pros et des anti travail le dimanche il faut le reconnaitre, s’équilibrent pied à pied (cf. fin du post). Cette opposition, acceptable, indique de notre point de vue une ignorance de la nature profonde du lien au travail. L’incontestable composante « contrainte » du travail est réelle mais n’en représente que la surface visible représentées par les « tâches » (en général rapidement qualifiées de pénibles).
Tout le monde est d’accord : ces tâches doivent le moins possible menacer l’intégrité physique, morale ou affective des sujets et être pourvues de contrôles exigeants.
Mais il faut aussi en connaître un élément essentiel et caché : Ces tâches ne constituent en rien l’essence du travail.
En effet le travail est pourvu d’une nature notoirement plus importante et complexe que ne le laisse supposer son expression sous forme de « boulot »
Derrière la tâche il y a l’énergie du désir de travail. J’ai consacré, avec Gilles Arnaud un livre entier à ce concept et Wikipédia recèle son résumé, nous n’en donnerons que les caractéristiques essentielles, ou le rappel de 10 points en fin de cet article. Contentons nous pour l’évoquer d’un paragraphe, qui vaut son pesant de cacahuètes et de froncement de sourcils :
Puisqu’elle est pulsionnelle on ne peut échapper à la force inconsciente qui mène d’une part vers l’amour, d’autre part vers le travail. Ces deux forces sont pourvues de dynamiques similaires mais non identiques visent le même projet de perpétuation de l’espèce mais avec des objets différents : l’amour vise « l’autre » , le travail « les autres ». Dés que d’une façon quelconque, on touche aux caractéristiques de cette énergie la machine sociale est prise de soubresauts ( mariage pour tous, travail le dimanche sont des exemples récents).
TROIS CARACTÈRES du DÉSIR DE TRAVAIL : SENS. SCANSION. SINGULARITÉ.
Parmi d’autres :
La recherche du sens : le sens pris par le Désir de travail passe entre la recherche de la vérité, la recherche du pouvoir, la recherche de la réalité. La répartition particulière de ces inconscientes modalités doit se glisser entre les obligations sociales et les besoins propres au sujet. Le travail le dimanche permettrait bien de répondre, pour pas mal de gens, à cette dimension
La scansion : l’alternance travail / non travail ( et non celle : « travail / repos ») est totalement nécessaire pour maintenir vivante le dimension du désir de travail. Le travail du Dimanche, en gommant une possibilité d’alternance est une menace à la constitution de ce processus. Travailler sans cesse épuise les ressources symboliques personnelles autant que le corps.
La singularité : l’expression finale du Désir de travail, quelle que soit sa forme, relève bien d’une ré appropriation particulière des offres d’emploi ou d’activités qui lui sont proposées sur le marché social. L’opération s’effectue pour chacun selon des modalités personnelles inconscientes, historiques et insaisissables. La variété de ces offres favorise l’expression du désir de travail. Le travail le dimanche y ajoute une possibilité.
Le résultat serait donc favorable, sur ces trois critères, au travail le dimanche, qui apparaît en l’instant, plutôt cohérent avec la dynamique particulière du Désir de travail.
LE PROJET D’UNE NOUVELLE CLASSE DE TRAVAILLEURS
Cependant tout cela doit se jouer dans une perspective d’articulation des trois dimensions : individuelle, collective et sociale. Sans quoi la notion ne serait qu’une incantation exacerbée au plus absurde des individualisme.
De ce point de vue « le travail le dimanche » devrait être possible pour ceux qui ont besoin ou envie de le faire, à la seule condition (cohérente avec le désir de travail) de fonder un projet ambitieux de transformation de la vision du travail, projet politique assumé susceptible de concerner chaque citoyen et toutes les entreprises créant une vraie nouvelle voie pour l’inscription dans le travail par la création d’une nouvelle classe de travailleurs
- Ceux qui seront davantage orientés « adaptation aux opportunités » qui peuvent travailler aussi le Dimanche dans certaines conditions (ce qui est actuellement le seul cas envisagé)
- Ceux qui seront davantage orientés » maintien de repères connus » qui ne travailleront jamais le Dimanche pour des raisons qui les regardent. (c’est le cas des opposants au projet)
- les nouveaux travailleurs, ceux qui seront inconsciemment orientés « acceptation de normes nouvelles » qui ne travailleront que le dimanche : retraités, étudiants, stagiaires, chômeurs longue durée et d’autres encore
Chacun des trois cas devant pouvoir bénéficier de toutes les sécurités, et des conditions spécifiques, contrôles relatifs à leur état, de telle sorte que cette nouvelle possibilité n’ouvre aucune facilité au non droit et plus de fluidités au désir de travail.
Nous reviendrons évidemment sur la possibilité d’inventer ces nouveaux travailleurs
1) La synthèse des arguments.
Pour : On doit bien constater la diminution ou disparition des contraintes religieuses originaires. Le travail dominical est une nouvelle liberté, la possibilité d’un gain de productivité pour sortir de la crise. Cela s’appuie sur le respect de la liberté du citoyen dans une démocratie et maintient la possibilité d’une amélioration choisie de l’organisation de l’existence, si on accorde un peu de foi à l’adaptation progressive des hommes à la modernité
Contre : il faut préserver le repos le dimanche car il s’agit du maintien de la garantie d’un temps passé en famille, d’un repère à dimension historique, symbole d’une culture identitaire. Cette disposition est une nouvelle contrainte cachée, la négation des avantages acquis de haute lutte, pour le progrès de l’homme, l’arrogance néo esclavagiste d’un libéralisme mondial pervertissant la démocratie. Gardons de la vigilance vis à vis de la capacité des foules à accepter l’asservissement.
2) 10 caractéristiques du désir de travail :
- Le désir de travail est pulsionnel au sens strict
- Inconscient,
- Visant fondamentalement la survie de l’espèce,
- Vectorisé i.e. pourvue d’un sens.
- Exigeant une scansion,
- Régulant en permanence la question du lien entre le sujet et l’objet
- Devant perpétuellement trouver dans la tâche qui l’exprime et les résultats qui l’impriment, les symboles de son origine ( les signifiants pulsionnels du sens du travail),
- Satisfaisant d’inévitables motions sadomasochistes, pour élaborer de protectrices instances idéales,
- Devant se laisser accepter par le regard social et – last but not least –
- Pourvu, malgré les apparences, de modalités absolument singulières d’un sujet à l’autre.
Voir aussi > Pour comprendre le Workcare, il faut comprendre le désir de travail